Interview de 3 scénaristes de BD qui ont fait leurs preuves !
Dans les lignes qui vont suivre, vous allez découvrir les conseils concernant le métier de scénariste BD, de Jean-François Di Giorgio, Christophe Bec et Matz.
Des auteurs que j’adore et que je remercie vivement pour leur participation.
J’espère que tous les conseils qu’ils donneront vous permettront de commencer votre carrière de scénariste.
Si vous souhaitez également en savoir plus sur le métier de scénariste j’ai écrit quelques articles à ce sujet :
Sommaire
Jean-François DI GIORGIO
Bibliographie principale
- Les soleils de Faïence
- Munro
- Les pays perdus
- Sam Griffith
- Shane
- Mygala
- Western Valley
- Samuraï
- Samuraï Légendes
Les liens pour en savoir + sur lui
Editions Soleil
Editions Glénat
Wikipedia
Page de Samurai
Sa page Facebook
Les dessinateurs (trice) qui travaillent avec lui
Christina Mormile
Frederic Genêt
Griffo
Benoit Roels
Paul Teng
André Taymans
Quelques couvertures d’albums
Sources images : Decitre, Amazon, Librairiepointdecote
Son interview
1/ Pourquoi êtes-vous devenu scénariste BD ?
Avec un ami, j’avais créé un fanzine. Pour l’alimenter, nous étions constamment en recherche de dessinateurs. Un jour, l’un d’eux me demanda un scénario, qu’il envoya chez un éditeur, qui à ma grande surprise, l’accepta.
C’était parti !
Au départ, ce qui ne devait durer que quelque jours, dure depuis maintenant plus de 35 ans…Honnêtement, je ne l’aurai jamais cru !
2/ Pour vous c’est quoi un scénariste BD ?
Il y a autant de définitions différentes du mot scénariste qu’il y a de scénaristes, en réalité.
Pour ma part, je déteste m’ennuyer quand je lis un livre. Donc j’essaye de faire la même chose. J’essaye de ne pas ennuyer le lecteur, de lui donner envie de tourner les pages. Qu’il puisse s’évader. Si j’arrive à distraire quelqu’un avec une de mes histoires, après une dure journée de boulot, je suis content, j’ai gagné mon pari.
3/ Est-ce que le scénariste est plus important que le dessinateur ?
C’est triste à dire, mais en 2021 le scénariste est encore souvent le parent pauvre en BD. Et pas seulement, en BD, d’ailleurs. C’est encore pire au cinéma, où vous n’avez pas le « final cut » vous n’êtes pas maître de la fin de votre histoire. La BD est une économie qui repose sur la dédicace, sur le dessin. Autant un dessinateur sera facilement invité quelque part, autant un scénariste aura du mal à être invité en festivals, en librairies ou simplement à être défrayé de ses frais de transport et d’hébergement.
Je le dis d’autant plus tranquillement, que je vis sur une île formidable et que tout cela ne manque pas.
C’est une erreur fatale, puisqu’en BD, comme au cinéma, sans une bonne histoire, pas de succès public.
Et je ne vous parle même pas de la situation des coloristes…
Cela c’est pour l’extérieur.
Pour l’intérieur, c’est un peu différent. Et à moins de vouloir être directement scénariste de BD et rien d’autre, je pense que la plus grande difficulté est d’abord d’apprendre à partager votre travail, votre écriture, avec quelqu’un…
Et puis, petit à petit, vous découvrez toute la richesse que ce type de collaboration peut vous apporter. C’est un échange. Une partie de ping pong.
C’est aussi un bol d’air frais pour l’imagination qui au fil des années pourrait se tarir, ou tourner sur elle-même.
Donc , je ne sais pas qui du scénariste ou du dessinateur est le plus important. Ce que je sais en revanche , c’est qu’aujourd’hui, je ne pourrais plus me passer de ces collaborations.
4/ Comment devenir scénariste de BD
Le truc génial avec la BD, c’est que c’est un média ouvert à tous. Finalement, il y a assez peu de métiers, que vous pouvez exercer sans diplôme, ni capitaux de départ.
Une feuille de papier, un stylo, un peu d’imagination…et hop ! Le tour est joué !
La difficulté, c’est qu’il n’y a pas d’école de scénario, à proprement parler.
En revanche, il existe quelques bons livres sur le sujet. Souvent, ils parlent de choses que l’on connaît déjà, mais ça ne fait pas de mal de les potasser.
Donc ce que je conseille, c’est de lire, de regarder des films, des documentaires, des reportages, bref, de vous documenter … et puis d’oublier tout ça !
Et enfin et surtout d’écrire, écrire, écrire…De noircir du papier…
5/ Quelles sont les qualités indispensables pour devenir scénariste de BD ?
Imagination. Curiosité. Ténacité. Et aussi avoir un peu de chance et de talent.
Il faut savoir aussi, qu’au final ce n’est pas un métier où vous gagnerez forcément beaucoup d’argent. En échange, c’est un métier passionnant, où vous rencontrerez des gens formidables, où vous pourrez vous lever à l’heure que vous voulez, gérer votre temps comme vous l’entendrez … et avec lequel vous pouvez voir grandir vos enfants…Ce qui, au final, n’est pas négligeable.
6/ Une dernière chose à rajouter
Oui. Je suis franchement étonné que vous ayez trouvé mon nom. Je suis peu connu. Très discret . Je ne donne pas beaucoup d’interviews.
Pas parce que je n’aime pas ça. Mais parce qu’on m’en demande peu.
Donc, je vous remercie…
Christophe BEC
Bibliographie principale au scénario
- Carême
- Carthago
- Pandémonium
- Promethée
- Sarah
- Le temps des loups
- Ténèbres
- Tarzan
Les liens pour en savoir + sur lui
Editions Soleil
Editions Glénat
Wikipedia
Humanoïde
Les dessinateurs (trice) qui travaillent avec lui
Stéphane Betbeder
Eric Henninot
Stefano Raffele
Milan Jovanovic
Lui-même !
Quelques couvertures d’albums
Sources images : Amazon, Fnac
Son interview
1/ Pourquoi êtes-vous devenu scénariste BD ?
En réalité j’ai toujours été scénariste, lorsqu’ enfant ou adolescent je dessinais mes bandes dessinées, j’en écrivais les histoires aussi.
Ensuite, lors des quelques mois d’études à l’école de BD d’Angoulême, on m’a clairement fait comprendre que j’étais bien plus au point côté scénario que dessin, ce qui était sans doute vrai, c’est d’ailleurs souvent le cas, on est plus vite mûr en dessin qu’en scénario, où il faut un certain bagage, un certain vécu, avant d’écrire des choses pertinentes, qui ont du fond, de l’épaisseur. Il y a peu (ou pas) de génies du scénario à 20 ans.
J’ai donc commencé ma carrière comme dessinateur essentiellement. Puis après dix ans, j’ai pu caser mes premières histoires, parce que j’en avais l’opportunité après le succès commercial de « Sanctuaire » et parce que je me sentais enfin prêt.
Mes trois premiers scénarios de séries étaient, dans cet ordre : « Carême », « Carthago » et « Pandémonium ». La première série a aussitôt eu un succès critique, la deuxième un succès commercial, et la troisième, plus discrète lors de sa série, reste une de mes meilleures séries (sinon la meilleure), c’est ce que je pense personnellement, et beaucoup de lecteurs le confirment, ce sont des albums qui ont pas mal marqué les esprits.
Forcément, ce bon accueil global, m’avait incité à l’époque à privilégier le scénario, d’autant que je traversais une période durant laquelle je vivais assez mal le dessin, pour différentes raisons. La suite ne s’est pas trop mal déroulée dans l’ensemble, avec des succès et quelques échecs, l’écriture de scénario occupe donc désormais 95% de mon temps.
2/ Pour vous c’est quoi un scénariste BD ?
Quelqu’un qui doit avoir une culture de la BD mais pas seulement. Je pourrais dire surtout pas ! Mais en fait c’est faux. On le voit, beaucoup d’auteurs même doués venus d’autres médias s’y sont cassé les dents, par méconnaissance et un manque de maîtrise du médium je pense.
J’ai l’avantage d’être dessinateur, cinéphile aussi, tout ça m’a aidé dans l’écriture. Après j’ai travaillé, j’ai étudié et réfléchi à la technique. Il faut donc bien connaître le média dans lequel on travaille, mais ce n’est pas suffisant, les influences, quelles qu’elles soient, d’où qu’elles soient, doivent venir d’ailleurs pour nourrir la « bête », sinon on écrit des choses trop référencées, déjà faites et souvent en mieux, on réalise alors des œuvres sclérosées.
Un auteur de BD qui n’a été influencé par que par la BD, c’est un peu l’histoire de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme… qui a vu l’ours ! J’ai donc beaucoup puisé dans le cinéma, avant sans doute d’un peu épuiser le truc, je m’appuie aujourd’hui plus sur du vécu et de nouvelles influences, comme la peinture, qui est ma nouvelle passion, elle ne m’influence pas que pour le dessin, elle peut nourrir aussi l’écriture.
L’auteur de BD Fabrice Neaud par exemple rapproche souvent la BD à la musique classique, il y voit des passerelles fortes. Un scénariste de BD doit donc avoir un œil, une culture visuelle, il doit savoir s’adapter à son dessinateur, s’engouffrer sur ses points forts et ne pas trop insister sur les points faibles. On rapproche souvent la relation scénariste/dessinateur de celle d’un couple, il y a un peu de ça, il y a un rapport de séduction, de force aussi parfois, ça peut être passionnel comme plus apaisé, il peut y avoir des périodes de crises et parfois ça peut aller jusqu’au divorce.
L’idéal pour un scénariste étant de trouver son âme-sœur, son alter égo, celui qui sera capable de coucher sur papier sa vision. Il s’agit-là de la collaboration idéale.
3/ Est-ce que le scénariste est plus important que le dessinateur ?
Bien évidemment ! 10 fois plus important, tout part de lui ! Non, je blague. C’est du 50/50. Tout est en fait entre les deux, c’est là où ça se joue, dans ce truc mystérieux qui existe entre le texte et le dessin, dans l’alchimie, c’est ce qu’on recherche tous mais qu’il est si difficile d’atteindre, le mix parfait.
C’était le cas d’Uderzo et de Goscinny par exemple, impossible de dissocier les deux, de dire à qui revient le plus de mérite, ce serait aberrant. Il y a eu comme ça dans l’histoire de la BD des alchimies absolument parfaites : Rosinski-Van Hamme, Charlier-Giraud, Schuiten-Peeters, Pratt-Manara, Christin-Mézières, Christin-Bilal, etc.
C’est le Graal pour un scénariste, trouver le dessinateur dont la main sera non seulement le prolongement de son esprit, mais aussi la façon de transcender les idées et la vision première.
4/ Comment devenir scénariste de BD
Bonne question, je ne sais pas trop… je crois que c’est difficile aujourd’hui, car comme je le disais précédemment il faut déjà avoir une certaine maturité, sans doute des contacts dans le milieu : éditeurs, dessinateurs… Je crois que c’est un long processus semé d’embûches. Il doit falloir une bonne dose de chance.
Arriver à publier un premier album est peut-être plus facile qu’avant, mais durer, en faire d’autres, est bien plus aléatoire. Les éditeurs ont désormais une vision à court-terme, il faut faire ses preuves très rapidement, on n’a pas beaucoup de chances offertes. Il doit falloir vendre des livres tout de suite.
Pour démarrer il faut sans doute être sur plusieurs fronts, tenter beaucoup, lancer de nombreux projets en espérant que l’un d’eux passe et aboutisse à un album publié.
Ce métier demande énormément de ténacité, d’entêtement, et pas seulement lorsque l’on veut démarrer, tout au long de la carrière. Les carrières artistiques ne sont jamais un long fleuve tranquille, elle sont jalonnées de périls et de pièges, donc il faut avoir une sacrée dose de résilience, savoir s’endurcir face aux échecs, aux critiques, aux coups bas. Il faut s’armer d’une épaisse carapace !
5/ Quelles sont les qualités indispensables pour devenir scénariste de BD ?
J’en parlais juste avant. J’ajouterais la qualité essentielle : la curiosité ! Il faut être aux aguets, en permanence « aware » comme dirait le grand philosophe Jean-Claude van Damme.
Une idée de série peut partir de rien, ça m’est arrivé… Une photographie, un article dans un journal, un fait-divers, une anecdote entendue… tout peut-être prétexte à une histoire. Ensuite, ce qui fera qu’elle est réussie, tiendra surtout à l’axe choisi, à la façon de la raconter, à l’incarnation des personnages, au vecteur, au rythme. Ce sont des choses qui techniquement se travaillent, s’améliorent, mais c’est aussi (et avant tout) tout ce qu’on a emmagasiné si l’on a été assez curieux et ouvert dans sa vie. Ensuite, bin il faut bosser, dur, très dur, ne jamais compter ses heures… le fameux 5 % de talent – 95 % de travail.
Les rencontres jouent évidemment beaucoup dans la réussite d’une carrière, il faut faire les bonnes aux bons moments. Il y a un facteur chance, mais aussi être opportuniste, savoir saisir les occasions, provoquer des choses… La rencontre avec le public, les lecteurs, est autre chose.
C’est difficile à rationaliser, il y a le facteur chance bien entendu, mais je crois qu’il faut aussi avoir une certaine démarche, une clairvoyance, saisir l’air du temps, ou bien persévérer dans un genre, creuser le même trou et essayer d’exceller dans ce domaine.
6/ Une dernière chose à rajouter
Quand on écrit, ne jamais écouter les critiques malveillantes. Se fier à son instinct. Il faut par contre savoir se remettre en cause, face à une critique constructive qui tape dans le mille, face à un échec mérité, face au sentiment de se répéter, de tourner en rond.
Mais sinon se faire confiance, prendre des risques, se rappeler pourquoi on a choisi cette voie, ce qui nous a fait vibrer. Il faut garder sa foi, il faut l’entretenir, ne jamais la perdre.
MATZ
Bibliographie principale au scénario
- Pandora
- Arrêts de jeu
- Cyclope
- Adios Muchachos
- Destins
- OPK
- Tango
- Le tueur
- Le tatoueur
Les liens pour en savoir + sur lui
Editions Casterman
Editions Glénat
Wikipedia
Les dessinateurs (trice) qui travaillent avec lui
Lem
Jacamon
Futaki
Xavier
Quelques couvertures d’albums
Sources images : Amazon, Ligne claire
Son interview
1/ Pourquoi êtes-vous devenu scénariste BD ?
J’ai lu énormément de bd quand j’étais enfant et ado, j’en étais complètement fou et obsédé, mais je n’ai jamais pensé devenir scénariste de bd. En grandissant, ma passion première était la littérature et écrire des romans était mon ambition.
Mais quand l’opportunité d’écrire une bd s’est présentée, au détour d’une conversation avec Chauzy, je l’ai saisie. Je me suis dit que d’une part écrire une bd ne devait pas être plus difficile qu’écrire un roman, et que j’en avais tellement lu que j’allais me débrouiller des contraintes spécifiques. Et puis ça m’a beaucoup plu, et je n’ai plus arrêté.
Et jusqu’à aujourd’hui, après plus de 50 albums, je suis toujours heureux comme un enfant quand sort un nouvel album !
2/ Pour vous c’est quoi un scénariste BD ?
C’est quelqu’un qui s’amuse bien à concocter des histoires, qui se bagarre avec lui-même pour parvenir à un résultat satisfaisant, et qui s’arrache de temps en temps les cheveux, mais qui dans l’ensemble doit bien aimer la solitude et l’introspection.
3/ Est-ce que le scénariste est plus important que le dessinateur ?
Je ne pense pas, pour une simple et bonne raison : la bd est un art visuel. Donc le dessin est à mon sens plus important.
En tant que lecteur, je vais avoir beaucoup plus de mal à lire une bd dont le dessin me déplait mais le scénario est super, qu’une bd dont le dessin me plait mais pas trop le scénario. Mais évidemment, le scénario contribue puissamment à la qualité d’une bd.
Il faut que les deux soient aussi bons que possibles, et complémentaires, bien assortis, ce qui n’est pas évident mais fait vraiment partie de l’équation.
4/ Comment devenir scénariste de BD
En écrivant, en recommençant, en envoyant des projets aux éditeurs, en persévérant. En travaillant avec des dessinateurs pour monter des projets.
5/ Quelles sont les qualités indispensables pour devenir scénariste de BD ?
La persévérance, un certain goût pour la solitude, et pour la discrétion.
6/ Une dernière chose à rajouter ?
Bonne chance.
Pour conclure
J’espère que ces 3 interviews vous aideront à mieux cerner le métier de scénariste. J’avais tellement pleins d’autres questions à leur poser, mais ça n’aurait jamais fini. Il fallait donc choisir les questions qui me semblaient pertinentes pour parler de ce métier.
Je remercie très sincèrement Jean-François, Christophe et Matz pour avoir pris de leur temps pour répondre à mes questions. 🙏
Si vous ne connaissez pas leur BD je vous invite vraiment à les découvrir….Et à découvrir les miennes 🤣🤣😜
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Pascal Dumont
Artiste peintre abstrait
J’ai la chance de pratiquer une activité artistique qui me plaît et me passionne. Alors pourquoi ne pas faire profiter de mon expérience en toute humilité ?